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La vanité des sachants de Maria Van Oosterwyck

Vendredi 05 Mars 2021
Les compositions ambitieuses aux messages extrêmement sophistiqués de Maria Van Oosterwyck sont fort peu nombreuses, la dernière découverte du Cabinet Turquin est donc un événement.

Le parcours de Maria Van Oosterwyck tient du sans faute. Pour se lancer, cette fille de pasteur née près de Delft profita vraisemblablement des conseils avisés de l’entourage de sa mère, mais aussi de la seconde épouse de son père – issues toutes deux d'un milieu artiste. Après avoir gagné ses premiers galons à Delft et à Leyde, elle aurait, selon son premier biographe, Arnold Houbraken, fait ses classes à Utrecht auprès de Jan Davidsz de Heem. En 1666, elle s’installa à Amsterdam pour parfaire sa formation auprès de Willem Van Aelst, dont elle aurait, toujours selon Houbraken, rejeté les avances pour se consacrer à la seule peinture.

Appréciée des plus grands
Très vite, elle jouit d’une grande notoriété. Ainsi, lorsque le futur Cosme III de Médicis visita les Pays-Bas en 1667, il fit l’acquisition de deux de ses natures mortes. Peu après, ce fut au tour de Léopold Ier de Habsbourg d’acheter une de ses vanités – conservée aujourd’hui au Kunsthistorisches Museum de Vienne. L’empereur des Romains et son épouse furent apparemment si satisfaits qu’ils lui envoyèrent leurs portraits sertis de diamants en présents, comme marque d’estime. La réputation de l’artiste était telle qu’elle aurait reçu des commandes de la plupart des souverains de son temps. Mais si deux de ses tableaux sont conservés dans les collections royales anglaises, les œuvres qu’auraient acquises les rois de France et de Pologne, selon Houbraken, ne sont pas malheureusement documentées. Il n’en demeure pas moins que sa carrière, en marge de la guilde d’Amsterdam, qui n’admettait pas les femmes artistes, lui procura une réelle aisance et lui permit même de racheter des prisonniers chrétiens réduits en esclavage par des «hérétiques». Un portrait aujourd’hui non localisé, et donné un temps à Gérard de Lairesse, représente d’ailleurs Maria Van Oosterwyck aux côtés du poète Dirk Schelte, qui lui dédia un poème dans lequel il faisait, en 1673, l’éloge de sa peinture ainsi que de ses vertus. Un autre, conservé au Rijksmuseum d’Amsterdam et dû au pinceau de Wallerant Vaillant, la montre avec une palette et une bible.
Une peinture à clés
Dans la nature morte retrouvée par le cabinet Turquin, et présentée prochainement aux enchères à Troyes, Maria Van Oosterwyck n’a rien laissé au hasard. L’œuvre pourrait être une invitation à la poésie et au voyage. Une clé de lecture consisterait à énumérer les noms savants et précieux des coques placées juste au-dessus de la signature de l’artiste : Conus spurius, Turbo, Anadara granosa, Cypraea tigris, Lambis lambis, Cerithium nodulosum… La description du contenu du vase en grès du Rhin est aussi enthousiasmante : ancolie blanche, rose de Provins, tulipe de Gesner dite «vice-roi», jacinthe des bois, pivoines rouges, blanches, éléagnus, viorne blanc, iris bleu, iris jaune, pivoine jaune… Cette profusion de coquillages et de fleurs d’exception est peut-être bien plus qu’un simple assemblage esthétique mettant à l’honneur les trésors des cabinets amsterdamois. L’artiste pourrait en effet avoir pris le parti de tourner en dérision les connaisseurs qui s’évertuent à classer chaque spécimen et chaque espèce, pensant embrasser l’ensemble des productions de la nature. Cette dernière se dérobe à notre volonté de l’apprivoiser. Dans sa Vanité à la mappemonde conservée à Vienne, Maria Van Oosterwyck semble se moquer des prétentions des scientifiques, dont les instruments ne permettent pas d’embrasser l’univers dans sa totalité. La vie est fragile, nos savoirs et nos volontés soumis à rude épreuve. Le temps surtout nous manque. Le bouquet est bien là pour nous le rappeler. Même s’il est composé à partir d’études – les fleurs qui le composent ne s’épanouissent pas à la même période –, la présence des insectes porte à croire qu’il est bien vivant et qu’inexorablement son éclat se ternira bientôt. Or, si cet assemblage paraît, de loin, constituer le propos principal du tableau, le spectateur, en découvrant les coques, commence à percevoir un message plus mystérieux, que l’artiste ne livre pas tout à fait. C’est tout l’art de Maria Van Oosterwyck, dont le succès pourrait s’expliquer par ce mariage subtil de différents éléments qu’elle choisit d’associer sur ses entablements de marbre.

Des compositions intrigantes
Entourant l’un de ses tableaux récemment acquis par le Joslyn Art Museum, à Omaha (États-Unis), où cinq coquillages sont disposés à côté d’un vase de verre, le cadre ancien a conservé ses crochets, permettant de suspendre un rideau de soie qu’il faut entrouvrir pour accéder à l’œuvre… et commencer à en décoder le sens caché. Dans ses Fleurs dans un vase décoratif (La Haye, Mauritshuis), une petite statue de Vénus posant son regard sur un bouquet surmonté d’un tournesol laisse le spectateur songeur. La nature morte conservée à Denver est tout aussi étonnante. La seule présence d’un insecte, qui se dirige vers le vase de fleurs, interpelle et incite à interpréter cet instant suspendu.

Un œuvre confidentiel
Le Bouquet de fleurs dans un vase en grès du Rhin posé sur un entablement à côté d’une nature morte de coquillages pourrait, quant à lui, contenir une critique de la société hollandaise du XVIIe siècle. Les coques rapportées de pays lointains par la Compagnie des Indes et les fleurs exotiques, dont les amateurs se plaisaient à multiplier les croisements, ne peuvent pas faire oublier les dangers de cet appétit de conquêtes et de richesses. Comble de l’ironie, cette vanité, cette réflexion sur le passage du temps, nécessita sûrement de très longues heures de travail afin d’atteindre le rendu si soyeux et si chatoyant de chaque pétale de tulipe ou pour obtenir le velouté moelleux des feuillages. Ce faire méticuleux explique pourquoi Arnold Houbraken avertissait ses contemporains, au début du XVIIIe siècle, du caractère rarissime des œuvres de Maria Van Oosterwyck… Son corpus n’est aujourd’hui guère plus étoffé que celui d’un Vermeer.

Par Carole Blumenfeld.

Paru en Une et dans le n°9 de la Gazette Drouot du 5 mars 2021.

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