


Algérie - TEISSIER (Octave). Napoléon III en Algérie. Paris, Challamel - Alger, Bastide - Toulon, J. Renoux, 1865.
In-8, ½ basane brune ép., dos à nerfs, tr. mouchetées. [3] ff., XXIII-326 pp., index, feuillets blancs intercalaires, dont 26 portant des annotations de la main de Warnier, à l'encre brune (ensemble 49 pages).
TRES INTERESSANT EXEMPLAIRE de cet ouvrage concernant la politique de la France en Algérie sous le Second Empire, avec un envoi de l'auteur à Auguste Warnier. Celui-ci a fait relier l'ouvrage de façon à pouvoir le commenter page après page, se donnant pour but d'établir une comparaison entre la face publique du voyage impérial effectué en mai et juin 1865 et les "investigations occultes" de Napoléon III qui ambitionne de faire de la colonie algérienne un royaume arabe.
Warnier regrette une politique contraire aux intérêts des colons qui se sentent trop souvent oubliés ou méprisés, notamment de la part des autorités militaires. Il reproche à Napoléon III son dédain pour la population civile et de n'avoir pas compris les besoins des colons, qui ne veulent pas seulement des routes ou des moyens d'irrigations, mais surtout "certaines conditions morales indispensables à leur prospérité". Il met en cause également les hommes et les conseillers dont s'est entouré l'empereur, à l'exemple des généraux SAINT-ARNAUD et FLEURY mais surtout Ismaël URBAIN, porte-drapeau du parti hostile aux colons et dont les écrits, mensongers et diffamateurs, ont fait beaucoup de mal au pays. Il retrace le parcours de cet interprète, ancien Saint-Simonien, renégat et apostat selon lui, fils d'une ancienne esclave et possédant forcement "les vices de l'homme de race inférieure", retranscrivant les paroles d'une chanson satirique courant les rues d'Alger et attaquant ouvertement Ismaël Urbain en une quarantaine de vers de mirliton : "Il est venu droit de Cayenne / Fils d'un gros nègre nous dit-on / Tonton, Tonton, Tontaine, Tonton / Il a le profil de la hyène / et l'amour de Napoléon"... Cette première série de notes s'achève sur une vive critique des choix dans l'urbanisme de la ville d'Alger tout comme dans les nominations administratives qui rejettent tous ceux ayant "des qualités d'honneur, de travail et d'indépendance dont on ne veut pas". Warnier reprend son travail au chapitre consacré à la province d'Oran (p. 113) pour critiquer le général DELIGNY gouverneur de la ville, en rapportant les incidents survenus lors de l'arrivée de Napoléon III à Oran et la comédie jouée par des femmes arabes à Relizane pour réclamer le retour de leurs hommes prisonniers. Il prend à son compte les propos d'une longue lettre d'un nommé J. Andrieu, adressée à l'Empereur, lui exposant les griefs des colons, victimes des manipulations de certains chefs arabes.
Auguste Hubert WARNIER (1810-1875), médecin militaire et administrateur, fut notamment directeur des affaires civiles de la province d'Oran. Saint-Simonien, il collabora à "L'Algérie", journal fondé par le Père Enfantin en 1840 puis à "L'Atlas". Durant le Second Empire, il n'exerça pas de fonctions officielles, retiré dans ses terres agricoles de la province d'Alger tout en publiant plusieurs brochures sur la politique de la France en Algérie. Sous la IIIe République, il fut élu député d'Alger et contribua grandement à la loi de 1873 sur les droits de propriété des terres algériennes. Il s'opposa naturellement au fameux Ismaël Urbain (1812-1884), né Thomas Urbain, enfant naturel d'un négociant marseillais et d'une Guyanaise, converti à l'islam lors d'un séjour en Egypte aux côtés des Saints-Simoniens. Interprète aux armées, Urbain arriva en Algérie en 1837 où il participa de près à l'administration algérienne, épousant une Algérienne que ses ennemis taxèrent rapidement de femme aux moeurs légères. Proche de l'émir Abdelkader, ses écrits et ses actions en faveur des autochtones suscitèrent des réactions passionnées dont témoigne ici le travail d'Auguste Warnier, hostile à la politique impériale, trop favorable aux indigènes selon lui. Après la chute de l'Empire, la politique menée en Algérie creusa encore davantage le fossé entre musulmans et colons, avec la création du Code de l'Indigénat et en facilitant la cession des terres indigènes aux Européens. Ce que ne manqua d'ailleurs pas de dénoncer Ismaël Urbain qui écrivait, en 1882 : "Loin de progresser, nous avons perdu énormément de terrain depuis douze ans. Les Musulmans s'éloignent de plus en plus de nous et attendent avec la résignation des fatalistes l'heure de la vengeance. Nous payerons tôt ou tard les fautes que nous commettons et celles qui suivront forcément". Quant à Octave Teissier (1825-1904), auteur de ce "Napoléon III en Algérie", il avait été employé dans le service des Finances en Algérie avant de poursuivre une carrière d'administrateur et d'historien en Provence, nommé archiviste de la ville de Marseille et de Toulon puis conservateur de la Bibliothèque et du Musée de Draguignan.
Discrètes restaurations aux coiffes et aux mors, mouillure sur les plats, sans gravité, rarissimes rousseurs, intérieur frais. EXEMPLAIRE ANNOTÉ PAR LE DR AUGUSTE WARNIER, dédicataire de l'ouvrage.
Estimation : 150 € à 200 €
Adjugé : 160 €