
























Manufacture royale de SEVRES - XIXe siècle - Coupe Chenavard datée 1845, en porcelaine à décor polychrome en relief. La coupe se compose d'un piédouche orné de cœurs et de godrons, surmonté d'un socle sur lequel repose un balustre couronné par quatre têtes en biscuit et de la vasque en partie supérieure. Le décor à fond pourpre est rythmé de réserves ornées de rinceaux jaunes en relief sur fond bleu à la manière du nielle, d'entrelacs et godrons roses, de pierres précieuses en relief peintes en trompe l'œil et d'une frise de perles blanches, de mascarons coiffés laissés en biscuit, d'une guirlande de fleurs peinte à l'intérieur de la vasque entourant une rosace or, de rehauts d'or sur les godrons, de moulures et filet or au bord.
Marqué au cachet en bleu de la Manufacture de Sèvres sous Louis-Philippe LP couronné « Sèvres 1845 » Peintre de fleurs Fontaine et Doré pour les ornements. Haut. 33 cm ; Diam. 32,5 cm. (Restauration à la base du balustre)
Cf : Le fonds des Arts graphiques des Archives de la Manufacture de Sèvres conserve le dessin préparatoire de la coupe Chenavard portant le titre de « Coupe dans le style du 16e siècle par Mr A. Chenavard. (Septbre 1836) » (Inventaire N°D§8 1836 N°1er). En réalité, la conception de la forme et du décor de la coupe revient au sculpteur Hyacinthe Régnier qui donne le plâtre entre février et avril 1836 et pour lequel il est payé 750 francs. Les premiers exemplaires achevés sont livrés par les ateliers au magasin en février et avril 1837, puis présentés à l'exposition des Produits des manufactures royales en 1838. Mais c'est le nom d'Aimé Chenavard qui est resté associé à la forme, ce dernier ayant donné à la manufacture de Sèvres des modèles de guéridons, de vitraux et d'objets comme des vases et des coupes dont l'une nommée Benvenuto Cellini présente une forme et un décor en relief assez proche de la coupe Chenavard. Toutes ces créations sont influencées par maniérisme bellifontain du XVIe siècle alors à la mode dans les arts-décoratifs des années 1830-1840.
Les archives de Sèvres mentionnent presque environ 27 coupes Chenavard produites et livrées au magasin de vente. Cette production s'est étendue entre 1837, l'année des premiers exemplaires et 1848, plus aucune coupe n'étant ensuite signalée.
Parmi ces coupes, 17 sont mentionnées dans les Registres des ventes à crédit et présents, et dans le Registre des ventes au comptant, elles semblent toutes avoir fait l'objet de présents royaux. Les destinataires, hormis le Roi, la Reine ou les proches comme les ducs de Nemours et d'Aumale sont des personnes honorées par les souverains, parfois par l'intermédiaire de l'Intendant de la Liste civile. La coupe fit donc l'objet de cadeaux diplomatiques comme pour le Shah de Perse en 1839 ou pour l'aristocrate anglais Standish-Standish dont Louis-Philippe était proche de la famille. D'autres personnes furent aussi honorées, des artistes comme les peintres Vernet, Ingres et Couder ou des personnalités telles que le capitaine de vaisseau Laplace, ou l'ingénieur et éditeur Gavard. D'autres noms sont évoqués comme le notaire Tourin ou un certain Maréchal.
La coupe Chenavard est une pièce ostentatoire par son décor sophistiqué et relativement coûteuse parmi les productions de la Manufacture, valant entre 550 francs et 750 francs selon le décor ornant l'intérieur de la vasque, frises ou fleurs, et est parfois accompagnée d'une boîte pour la contenir. Ses mentions dans les registres sont toujours associées à l'entourage royal. Notre coupe est la quatrième connue sur le marché de l'art.
Notre coupe Chenavard porte une marque au cachet de l'année 1845. Les archives de la Manufacture de Sèvres mentionnent trois coupes produites cette année. Le Registre des pièces déposées par les ateliers au magasin de vente (Vv) mentionnent la première coupe achevée le 15 juillet 1845, la deuxième le 26 août et la troisième le 20 septembre (Vv 4, f°44r, f°47v et f°48v).
Ces coupes se retrouvent ensuite dans Registre des présents et ventes à crédit (Vbb), dont la brève description est accompagnée de numéros renvoyant à leurs mentions dans le registre précédent. Seules celles du 15 juillet et du 26 août sont ornées de fleurs à l'intérieur de la coupe et ont coûté chacune 750 francs, contre 550 francs pour celle du 26 août qui n'en a pas. La première coupe ornée d'une « guirlande de fleurs » est livrée le 11 octobre 1846 à la Reine (Vbb 11, f°12v) et la seconde ornée d'une « couronne de fleurs » est livrée le 4 février 1847 « par ordre de M. l'Intendant général de la liste civile [...] à M. Tourin, notaire honoraire » (Vbb 11, f°14v).
Le Journal des travaux des peintres, doreurs et brunisseurs (Vj') pour l'année 1845 fournit plus de détails quant à ces décors, peints par Fontaine pour les fleurs et par Doré pour les ornements. Le décor floral de la première coupe peinte par Fontaine entre mai et juin 1845 est décrit à plusieurs reprises comme « 6 guirlandes de fleurs », tandis que la seconde aussi peinte par Fontaine entre juillet et août 1845 est décrite comme « couronne de fleurs ». La différence de qualification est bien établie, d'autant plus que les mentions des deux coupes se retrouvent sur la même page du registre (Vj' 52, f°48v et f°49r). Cette différence est répétée sur les registres Vv, eux-mêmes complétés par les « Feuilles d'appréciation » détaillant le coût des étapes intervenant dans l'élaboration des objets (Pb 11bis, Feuille N°38 du 15 juillet 1845 et Feuille N°63 du 20 septembre 1845). La description des couleurs correspond parfaitement, « Une coupe Chenavard fond brun pourpre couronne de fleurs dans l'intérieur, la niellure en jaune rechampi en bleu d'azur rose mat » (Pb 11bis, Feuille N°63), correspondant à la nôtre. Cette coupe est celle offerte à Monsieur Tourin.
Achille Nicolas René Tourin est notaire à Paris sous la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe, en activité entre 1822 et 1842 au 3 rue de Grenelle-Saint-Germain (étude XXIX). Il est par ailleurs notaire de George Sand. Entre 1846 et 1847, il offre à Louis-Philippe plusieurs portraits anciens de la fin du XVIIe siècle, relatifs à la cour de Louis XIV. Quelques années plus tard, le Roi les offre à son tour au musée d'histoire qu'il a créé au château de Versailles, où les toiles se trouvent toujours. Parmi ces tableaux, figurent un portrait présumé de Louis XIV enfant attribué à Louis Elle le père (inv. MV 3439), un double portrait de Mademoiselle de Blois et de Mademoiselle de Nantes par François Vignon (inv. MV 3645), ou un portrait de la reine Anne d'Autriche par Charles et Henri Beaubrun (inv. MV 6377).
Il est donc permis de rapprocher la coupe de ces dons du notaire au Roi. Le souverain l'aurait remercié en lui offrant cette coupe parmi d'autres articles de la Manufacture, à savoir deux vases Etrusque carafe à fond bleu et décor en or, et un déjeuner à café de 12 tasses à décor de couronnes de fleurs, pour un montant total de 2102 francs. Cet échange confirme ainsi le caractère de présent royal de la coupe Chenavard.
Les exemplaires connus de coupes Chenavard se trouvent au
-New York, Metropolitan Museum of Arts (inv. 2003.153) : Coupe Chenavard, 1837
A fond pourpre, nielle blanc sur fond rose, entrelacs gris, godrons verts, frise d'entrelacs peinte à l'intérieur avec guirlandes de lierre polychromes. Datée 1837. Serait celle offerte à la Reine en août 1837. En vente le 5 avril 2001 N°203 étude Tajan (est. 15 000€-18 000€), le 27 mars 2002 N°4 étude Tajan (est. 6000€-7000€) et date lue à tort 1835. Acquise en 2003.
-Paris, Musée du Louvre (inv. OA 11371) : Coupe Chenavard, date estimée 1840
A fond vert, nielle blanc sur fond pourpre, entrelacs rose, godrons rose, frise et rosace or à l'intérieur. Sans date. Serait celle offerte à Standish-Standish en 1841, donc la date estimée 1840. Acquise en 1992 auprès de la galerie Dragesco-Cramoisan à Paris.
-Vente à Londres, Bonhams, le 7 juillet 2022 N°190 (17 850£) : Coupe Chenavard, 1847
A fond bleu, nielle jaune sur fond rouge, entrelacs gris/lavande, godrons or, couronne de fleurs et rosace or à l'intérieur. Datée 1847. Serait celle offerte à Couder en 1847.
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Sources
Archives de la Manufacture de Sèvres
-Y22 Répertoire de formes Livre tarif : 1800-1847 (pl. 10, fig. 13).
-Vtt 5 Journal des commandes externes : 1840-1844
-Vj' 52 Journal des travaux des peintres, doreurs, brunisseurs : 1845 (f°48v, f°49r, f°92v et f°93r)
-Vv 3 Registre des pièces déposées au magasin de vente : 1836-1842
-Vv 4 Registre des pièces déposées au magasin de vente : 1843-1847 (f°44r, f°47v et f°48v)
-Vv 5 Registre des pièces déposées au magasin de vente : 1848-1854
-Pb 11bis Feuilles d'appréciations : 1844-1848 (Feuilles N°38, N°57 et N°53 pour 1845)
-Vbb 10 Registre des présents et ventes à crédit : 1839-1844
-Vbb 11 Registre des présents et ventes à crédit : 1845-1854 (f°6r, f°12v et f°14v)
-Vz 6 Registre des ventes au comptant : 1839-1847
Expert : MARVIL CONSEIL - Manuela FINAZ de VILLAINE, Expert près la Cour d'Appel de Paris, Membre du Syndicat Français des Experts Professionnels en OEuvres d'Art et Objets de Collection, Céramiques Anciennes.
82 rue de la Faisanderie 75116 Paris - France - Tel : + 33 (0)1 45 27 17 46 - Mobile : +33 (0)6 07 46 81 31
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Estimation : 6 000 € à 8 000 €
Adjugé : 15 000 €