L’année 1907 fut l’une des plus prolifiques pour Auguste Chabaud. Elle a également donné ses œuvres les plus typiques de son style expressionniste, marqué par le fauvisme et la vie nocturne parisienne.
«Je veux puiser sans intermédiaire à même la vie», proclamait Auguste Chabaud. Il applique une nouvelle fois sa devise dans cette huile sur carton de 1907, Filles avec un client, dépeignant la vie des prostituées de la capitale, de manière crue et directe. Cette œuvre a été acquise par son actuel propriétaire, un collectionneur troyen, lors d’une vente à l’Hôtel Drouot le 23 novembre 2007. Elle a été présentée lors de nombreuses expositions des années 1980 à 2015, comme celle intitulée «Auguste Chabaud - La ville de jour comme de nuit, Paris 1907-1912» au musée Cantini de Marseille en 2003-2004. Le peintre de Graveson, au sud d’Avignon, découvre la capitale en 1899, intégrant alors l’atelier de Cormon, puis les académies Julian et Carrière. Il rencontre Matisse et Derain qui l’influencent dans son orientation stylistique. Mais Chabaud sera absent de la «Cage aux fauves» du Salon d’automne de 1905, étant en Tunisie pour son service militaire. Il revient en 1906 à Paris et, durant les sept années suivantes, il travaillera entre la capitale et la Provence. Installé au pied du Sacré-Cœur à Montmartre, rue Muller, il s’intéresse, comme beaucoup d’artistes de son temps dans le sillage de Manet et de Toulouse-Lautrec, à la vie nocturne parisienne. Un thème nouveau et éminemment moderne. Chabaud va notamment rencontrer Yvette, une prostituée d’une maison close de la rue Grégoire-de-Tours qui deviendra l’une de ses modèles favoris et même sa muse. Représenter ces filles est bien sûr jugé comme provocateur à l’époque, mais permet aussi aux peintres de clamer haut et fort leur modernité et leur rejet de l’académisme. Chabaud les dépeint de manière tragique, leurs visages déformés par de larges traits noirs et leurs vêtements aux couleurs exacerbées, partagé entre son attendrissement et son émotion devant leur vie de misère. Une composition ambivalente qui appartient à tout un ensemble de tableaux de sa période parisienne sur ce sujet, que l’artiste a longtemps dissimulés à l’étage de son atelier pour éviter que sa mère, puis plus tard sa femme et ses enfants, ne les voient.